“Tous les chemins mènent à Rome”, mais combien vers la notoriété ? Chaque année, le Hip-Hop voit arriver son lot de nouveaux venus. Cette décennie a été plus prolifique que jamais pour la musique urbaine et a vu se hisser au sommet des charts des Gims, Ninho ou autre Jul. On constate un nombre grandissant de jeunes rappeurs rêvant de percer, mais que signifie percer ?
La définition variera, certains vous diront que c’est passer sur Sky ou Génération tandis que d’autres affirmeront que c’est toucher sa première “SACEM“. Levons ensemble le voile sur quelques méthodes qui ont fait leurs preuves.
1. L’innovateur
Sans le moindre doute, l’innovation est un facteur de succès. Comme la high-tech ou l’automobile, la musique est une industrie, un marché, et ceux qui savent déceler les besoins du marché partent avec une longueur d’avance. Dans la musique le besoin premier du consommateur est la nouveauté.
On ne va pas se mentir, les rappeurs Français ramènent rarement de nouvelles choses et ne font que reproduire ce qui se fait outre-Atlantique. Mais chaque pays a ses spécificités culturelles, c’est pour cela qu’on a pu voir Kore et Skalp avoir un succès retentissant avec le Raï’n’B ou encore MHD avec son Afro Trap.
Ayez le nez fin et anticipez les nouvelles tendances avant les autres ! N’hésitez pas à mélanger les genres pour en faire votre marque de fabrique, prenez des risques (tout en minimisant les conséquences).
Essayer de nouvelles techniques pour réaliser vos clips, la technologie nous offre pas mal de choses à moindres frais, utilisez là pour vous faire connaitre.
Quelques exemples
- MHD : s’est imposé avec l’Afro Trap
- PNL : Ils ont démocratisé le Cloud et les clips “carte postale“
- Fianso : Café sans sucre sur la A3
2. Le bon
Le moyen le plus simple de percer reste encore de faire de la bonne musique et de la musique qui parle au plus grand nombre. Votre rap doit rassembler, abordez des thèmes qui parlent à tous, vos parents, votre petite sœur et la boulangère du coin !
Niveau physique vous n’avez pas de biceps ? Vous n’êtes pas forcément branché marques de luxe ? Cela tombe bien, les Français raffolent des artistes qui leur ressemblent.
Votre communication doit-être naturelle ou presque, faites des publications de tranches de vie (session studio, déconnades avec les potes, etc.). Musicalement, ne faites pas peur à mamie, au contraire puisez dans ce qu’elle aime ! Votre musique doit avoir un goût de pop avec de belles mélodies, des refrains catchy. Respirez la normalité et le public vous le rendra.
Quelques exemples
- Big Flo et Oli : partagent leurs parties de gaming sur Twitch
- Soprano : ses clips sont souvent des melting-pots
- Black M : sonorité Pop, parle à une large tranche d’âge
3. La brute
Vous pouvez faire l’inverse de ce qui a été mentionné plus haut en optant pour une posture atypique. Travaillez votre image pour donner un côté original, mystérieux ou intimidant.
L’accessoirisation sera également importante : casquette vissée sur la tête tel Sefyu ou look de Viking à la Seth Gueko, tout est permis du moment que vous pouvez vous démarquer de la flopée de rappeurs.
À vous de choisir par quel état d’esprit vous voulez être animé. Ce n’est plus un secret, les gens raffolent d’embrouilles en tout genre et le rap n’est pas en reste ! À l’image de 50 Cent et son fameux “How to rob“ ou Mc Jean Gab’1 qui en 2003 avait sorti “ j’temmerde “, vous pourriez tenter de clasher la moitié des rappeurs du moment.
Cependant il faudra redoubler d’ingéniosité afin que votre titre devienne viral. Mais je ne garantis pas l’efficacité de cette méthode, qui a plus de chance de s’avérer contre-productive.
Quelques exemples
- Yuzmv : la momie ou le grand brûlé
- Kalash Criminel : fous ta cagoule !
- Booba : Le king du biffe
4. Le truand
Les histoires de rue ont toujours fasciné, avec l’avènement de la Drill on voit une nouvelle vague d’artistes surfer sur le thème de la criminalité. Mais ce qui intéresse davantage les gens ce sont les véritables démêlés judiciaires.
La “street crédibilité“ a de tout temps été le Saint-Graal des rappeurs, plus le casier judiciaire est long, mieux c’est. Mister You par exemple, a créé un énorme buzz au début de sa carrière en médiatisant sa cavale (il distribuait des exemplaires de sa mixtape contenant des joints).
Bien évidemment je ne vous incite pas à enfreindre la loi, mais sachez que vous pouvez faire de vos déboires une force. À la base rien n’était prévu pour Mister You mais il a su profiter de la situation.
Si vous n’avez pas peur d’étaler vos soucis au grand jour, allez-y ! Faites des stories avant de passer en jugement, montrez quel est votre quotidien dans la rue mais en toute authenticité.
Quelques exemples
- Mister you : la cavale qui devient un énorme coup marketing
- Ashe 22 : la crapulerie lyonnaise
- Moha la Squale : course poursuite avec les flics et d’autres choses moins glorieuses…
5. Le compétiteur
Si vous êtes un inconditionnel de la rime facile et de l’auto-tune, ces lignes ne sont pas pour vous.
Car ici on parle de rap à l’état pur, il faut vaincre dans les règles de l’art. Les joutes verbales comme les Rap Contenders ou Red Bull Dernier Mot sont réservé aux mc’s qui savent manier les mots ; talent et sang-froid sont de mise. Nekfeu, Gizmo, on ne compte plus le nombre de mc’s de qualité passé par les battles.
Quelques exemples
- Sinik : la légende du dégaine ton style
- L’entourage : les galactiques des Rap Contenders
- Sadek : se fait remarquer lors d’un clash au Quai 54
6. Le troll
Le ridicule ne tue pas, il peut même vous rapporter un disque de platine ! À l’époque, le rap au second degré était réservé à des artistes, comme Fatal Bazooka, qui n’étaient rien d’autre que des comiques.
Mais Orelsan ou le Klub des loosers avant lui, ont ouvert la voie à une catégorie de rappeurs voulant provoquer sciemment l’auditoire. En allant à l’encontre des codes classiques du rap, un seul mot d’ordre, pas de règles !
L’autodérision, le trash et la polémique seront vos armes. Il ne faudra pas avoir froid aux yeux, n’hésitez pas à choquer. Les trolls sont sans doute les meilleurs marketeurs du game, clips délirants, stylisme très spécial, il faudra tout faire pour que l’on parle de vous.
Quelques exemples
- Vald : qui diffuse sont clip “Selfie“ sur Pornhub
- Biffty : titres ubuesques tout comme son look
- Orelsan : la polémique interminable de “Sale pute“
7. L’omniprésent
Facile à dire, bien plus difficile à faire, parmi le chemin qui mène au succès, il en existe un qui peut faire office de raccourci : le featuring. Bon nombre de rappeurs ont su exploiter cet accélérateur de carrière. Si vous en avez la possibilité, multipliez les collaborations avec d’autres rappeurs ou artistes de bords musicaux différents, ils vous solliciteront en retour.
Il est important d’avoir un ancrage local, cela est d’autant plus facile lorsque l’on vient d’une place forte du Hip-Hop comme Sevran ou Évry. Il faut que votre nom circule dans tout le département et au-delà !
Tentez d’approcher des rappeurs qui ont une notoriété significative et qui ne jouent pas les inaccessibles, contactez-les via les réseaux sociaux ou soyez plus audacieux, attendez-les à la sortie des radios ou studios.
À l’ère des stats, je pense que la notoriété passe par l’omniprésence sur les réseaux sociaux et surtout par une productivité accrue : il faut bombarder constamment les auditeurs de nouveauté, soyez hyperactif, constituez-vous un répertoire de titres conséquent puis distillez-les de manière stratégique (un titre toutes les deux semaines, par exemple).
Si le sort daigne un jour nous rendre les concerts, il faudra être prêt à arpenter les scènes. Profitez du confinement pour travailler votre set, vous pouvez d’ores et déjà vous tester en organisant des livestreams, un outil efficace pour se faire connaitre en ces temps de crise.
Quelques exemples
- Leto : champion 2020 des feats
- Jul : 20 albums en 6 ans !
- Booba : ses feats ont accélérer pas mal de carrières
8. L’absent
La stratégie de fidélisation par la rareté est sans doute l’une des plus efficaces, mais aussi la plus difficile à maitriser. Elle ne sert que les artistes ayant la capacité d’offrir quelque chose que les autres ne peuvent pas offrir et qui peuvent de ce fait communiquer comme bon leur semble.
Ici, le secret c’est de venir avec un concept fort (clip de malade, musique hors du commun) il faut marquer durablement les esprits, puis rendre le public accro en donnant les infos au compte-gouttes.
Quelques exemples
- PNL : Envoient un singe à leur place lors de leur Planète Rap
- Nekfeu : Sort Cyborg sans aucune promo puis se permet de disparaitre des écrans radars
Les bases pour percer dans le rap
Au-delà du côté pragmatique de ces méthodes, il sera important d’avoir des compétences de base et un état d’esprit qui vous permettra de naviguer à travers vents et marées. Cela peu parait anodin, mais, tel un soldat qui part à la guerre, il va falloir être prêt physiologiquement, stratégiquement et logistiquement.
Un esprit sain dans un corps sain
J’ai été rappeur durant de nombreuses années et j’ai toujours considéré mon art comme un sport. À l’image d’un Cristiano Ronaldo se préparant pour la ligue des champions, un rappeur se doit d’avoir une bonne condition mentale, physique et technique.
Au-delà d’embellir votre image, faire de l’exercice physique sera bénéfique pour votre musique, par exemple le cardio vous aidera à améliorer votre flow, vous serez plus à votre aise lors des sessions studio, vous aurez une meilleure endurance sur scène.
Bon nombre d’artistes l’ont compris et l’on intégré dans leur développement de carrière (la boxe Thaï pour Rohff, Booba et la muscu).
Le talent ne suffira pas, il faudra se transformer en un affamé du micro, réviser ses gammes tous les jours. N’hésitez pas à noter dans un calepin ou sur votre téléphone les idées qui vous viennent en tête, enregistrez les airs, faites des Toplines, ayez une méthode de travail.
La plupart d’entre vous a déjà un peu de matériel chez lui pour maquetter, si c’est votre cas, soyez prolifique c’est le moment idéal pour tenter des choses, n’attendez pas d’être en studio pour vous demander quoi faire, le temps c’est de l’argent.
Rentrez en cabine avec au moins 80% de votre titre ficelé (couplet, refrains). Le principal doit être préparé à l’avance, à moins que vous ayez de la thune à dépenser et aimez procrastiner dans l’ambiance tamisée des studios…
Mettez toutes les chances de votre côté, je sais que la vie peut nous rattraper à tout moment et empêcher une carrière de décoller mais beaucoup de rappeurs se fourrent dans des galères inutilement. Pensez-y, c’est le projet d’une vie !
Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin
Bien s’entourer est très important, car vous devrez vous concentrer sur votre musique et une journée ne dure que 24 heures. Aujourd’hui un artiste qui réussit c’est souvent une équipe qui charbonne fort dans l’ombre.
C’est une somme de talent, que ce soit un beatmaker (Kaaris-Therapy, Médine-Proof) un réalisateur (Booba-Chris Macari, PNL-Kaméraméha) ou un manager capable de porter une vision (Dawala -Sexion d’assaut) vous aurez besoin d’alter-égos qui vous comprennent, qui sauront sublimer votre personnage.
Regardez autour de vous, il y a surement un mec dans votre quartier qui expérimente des choses avec son GH5, un camarade de votre petite sœur qui compose sur Logic ou FL Studio, une copine qui est en école de com’, faites équipe avec eux.
Petite mise en garde pour le choix du manager, évitez de prendre quelqu’un avec qui les affaires privées peuvent interférer (votre copine, un membre de la famille, votre chien…).
Débutez avec des gens motivés et fiables qui grandiront avec vous, fixez des bases saines dès le départ car les choses peuvent s’envenimer rapidement surtout quand il s’agira d’argent.
L’art de la guerre
Une fois votre équipe d’Avengers formée, il vous faudra élaborer un plan de bataille.
Projetez-vous dans le futur, quels sont vos objectifs pour les 3-4 années à venir ? Établir un plan de carrière vous permettra de maintenir un cap. Il est aussi essentiel de déterminer son cœur de cible c’est-à-dire la catégorie de personnes auxquelles vous allez vous adresser et ainsi déterminer la façon dont vous allez communiquer sur les réseaux sociaux.
Soyez sincère avec votre public, évitez de faire du sous-Booba comme beaucoup le font mais redoublez de créativité, trouvez un concept qui vous permettra de sortir du lot rapidement, créez de l’interaction avec vos fans, par exemple, en les impliquant dans le processus de création (Dinos a beaucoup échangé sur Stamina, Sadek fait gagner un feat sur son prochain album).
Un artiste est un produit comme les autres, vous êtes une marque donc pensez comme un responsable marketing. Offrez du merchandising (T-shirt, CD) via des jeux-concours. Si vous en avez la possibilité faite des partenariats avec des influenceurs.
Il faut surtout être régulier dans sa communication, ou pas… Je m’explique, créer de la rareté est une forme de communication qui peut s’avérer extrêmement efficace, les membres du groupe PNL en sont passés maitres dans la matière. Susciter de l’engouement à un tel point que chacun de vos postes soit attendu comme la saison 5 de la Casa de Papel !
Mais attention, utiliser ce mode de communication n’est pas donné à tous, il faut faire preuve d’une grande ingéniosité au risque de tomber dans l’oubli.
L’argent est le nerf de guerre
Avant de démarrer quoique ce soit, pensez à l’aspect économique. Comment allez-vous financer votre projet ? Je vous déconseille fortement de partir à l’aventure sans source de revenus, trouvez un job alimentaire qui vous permettra d’avoir des fins de mois tranquilles (intérim, mi-temps).
Si vous avez un CDI, à vous de voir comment concilier la réalisation de votre album avec vos 35 heures, vous aurez surement à sacrifier vos soirées, week-end et congés, no pain no gain.
Sans pour autant avoir des compétences de comptable, il faudra être capable de faire un budget prévisionnel. Les séances studio, les shootings photo, les frais annexes, tout cela doit être listé. Pour moi la dépense la plus importante est la promotion.
Je vous conseille vivement de sponsoriser vos publications, de mettre le paquet dans vos clips, car en 2021 la musique se regarde plus qu’elle ne s’écoute.
Certains font appel à des entreprises spécialisées pour gonfler les chiffres (vues, followers). Je ne suis pas là pour juger du bien-fondé de cette méthode mais elle a le mérite d’exister. Nous sommes à une époque où les statistiques priment sur le reste, les vues appellent les vues et on a tendance à écouter ce que tout le monde écoute.
C’est à vous de voir si vous voulez emprunter cette voie, beaucoup l’on fait avec succès tandis que d’autres s’y sont cassé les dents.
Développez votre réseau
Votre réseau se développera grâce à votre curiosité, n’hésitez pas à demander conseil. Il existe de nombreuses rencontres dédiées à la musique comme le MaMA et la JIMI.
Approchez les professionnels, faites-leur écouter vos titres, montrez-leur vos clips et vos réseaux sociaux afin qu’ils puissent vous donner un avis, cela vous fera gagner énormément de temps (l’avis d’un pro sera plus pertinent que celui de votre mère qui n’est que trop rarement objective).
Documentez-vous, internet regorge d’énormément d’informations sur l’industrie musicale, blogs, tutos, tout sera bon pour vous faire progresser.
Renseignez-vous auprès des organismes de gestion collective (SACEM, SPEDIDAM, ADAMI), ce sont ces sociétés qui seront chargées de collecter vos droits (votre argent), connaitre le rôle exact de chacune d’elles vous permettra de faire des choix plus judicieux dans votre développement de carrière.
Ne restez pas dans votre microcosme, élargissez votre environnement musical.
Multipliez les collaborations avec les autres rappeurs ou artistes de bords musicaux différents, ils vous solliciteront en retour. Il est important d’avoir un ancrage local, cela est d’autant plus facile lorsque l’on vient d’une place forte du Hip-Hop comme la ville d’Évry par exemple, qui a vu éclore Niska, Koba La D, Bolemvn.
Il faut que votre nom circule dans tout le département et au-delà ! Tentez votre chance dans des dispositifs prescripteur (buzz booster, Strit-it, Les inouïs).
J’espère que ces lignes auront pu vous apporter quelques éclaircissements, je sais qu’internet foisonne d’articles du même genre. Mais je pense que la meilleure école reste encore celle de l’apprentissage.
Faites vos propres erreurs et tirez-en les leçons. On dit souvent que la réussite c’est 10% de talent et 90% de chance, que la chance sourit aux audacieux, mais je pense qu’elle sourit davantage aux bosseurs, alors allez-y à fond !
Cet article a été rédigé par Gilbert Baluga pour MarketingMusical.fr
Tour à tour artiste, ingénieur du son, réalisateur artistique puis éditeur, Gilbert est ce que l’on appelle un véritable Slasheur. C’est en 1999 qu’il débute sa carrière en tant que rappeur au sein du groupe « Soldat du mic ». Très vite son appétence pour la production le pousse à explorer d’autres domaines de l’industrie de la musique, il réalise alors des clips et touche à la sonorisation.
C’est ainsi qu’il intègre en 2005 le label Névralzyk et collabore avec différents artistes dont Seth Gueko, Sefyu, Ol’kainry, ou encore Mokobé. Il multiplie les expériences jusqu’à être auréolé en 2010 d’un triple disque de platine pour sa contribution en tant que compositeur au premier album de la Sexion d’assaut, « L’école des points vitaux ». Riche de ces multiples casquettes, Gilbert met son expérience au service d’artistes en devenir et fonde le label Juste une note. Il signe notamment les génériques des émissions Destination glisse et Riding Zone diffusées sur France 3.
