Anonyme pousseur de disque au fond du club durant des décennies, le DJ est devenu au milieu des 90s une icône vénérée de l’underground, jusqu’à l’explosion médiatique constatée depuis le milieu des années 2000 et l’avènement du « Disc-Jockey » au statut de rockstar.
Le DJ, maitre de la musique et de la nuit, peut faire basculer toute une foule sous ses doigts les grands soirs, ou complètement gâcher la nuit des danseurs s’il ne parvient pas à entrer en harmonie avec le public.
Adulé ou détesté, qu’il soit passeur de tubes de camping dans les mariages, ou digger au son pointu dynamitant un club branché, il y a autant de DJ que de profils sous les casques.
Si beaucoup s’y essaient et rêvent de cette gloire acquise en transcendant la musique en une expérience unique de la danse, peu seront élus et deviendront réellement professionnels. Comment donc parvenir à vivre de cette passion du son et de cette envie de la partager sur le dancefloor ?
Si la réponse était simple, s’il existait une formule magique, tout le monde serait en capacité de voir sa notoriété exploser et ainsi devenir LE nouveau DJ à suivre. Dans les faits, ce n’est pas d’un grimoire dont l’aspirant DJ devra s’armer pour arriver à ses fins, mais plutôt de patience, ainsi que d’une bonne capacité à empiler les heures de travail aux platines.
Vinyle ou MP3 ?
Première question à régler pour devenir DJ, le choix du matériel. Adressons brièvement le débat Vinyles VS MP3, au cas où certains lecteurs se posent la question du meilleur format à choisir. Pour nous éclairer sur cette question, citons Laurent Garnier dans l’excellent ouvrage « Passeur de disques ».
Le patron de la techno à la française apporte un avis tranché sur la question : « Aujourd’hui si je ne joue plus de vinyle, ce n’est pas une question d’idéologie, c’est un choix que je fais en fonction de ma façon de travailler. L’objet qui me convient le mieux, compte tenu de la façon dont moi j’aime mixer c’est la clé USB. Je peux faire des boucles instantanément sur mes morceaux, ce qui veut dire que je peux faire des mix beaucoup plus longs. C’est un outil, pour moi le support n’est pas important. Le but du DJ c’est de faire danser les gens, pas de les faire réfléchir. Ils ne sont pas là pour se demander « est-ce qu’il joue un CD ou un vinyle ? ».
Il faut envisager la technique comme un moyen d’expression et non une fin en soi. Pensez à un guitariste : s’il a quelque chose à exprimer, une vision de la musique à transmettre, peu importe qu’il soit sur une guitare sèche ou électrique.
Ce qui importe est que sa musique touche les gens, qu’elle exprime son authenticité personnelle et qu’elle soit le fruit d’un travail réel. Il en va de même pour le mix.
Full Vinyle
Le vinyle apporte une « street credibility » sans égal et certaines pépites ne sont disponibles que sur ce format, c’est un fait. Mixer sur vinyle demande beaucoup plus de travail, d’oreille, de technique que le mix numérique, il est bon de le savoir.
En pratiquant, la technique du vinyle s’acquiert en quelque mois et ensuite vous saurez mixer sur tous types de format. Bien sûr, la cerise sur le gâteau est ce grain de son si particulier et chaud ; encore faut-il que le système son sur lequel vous pratiquez soit suffisamment optimisé pour que cela s’entende.
Le choix du MP3
Aujourd’hui le MP3 tient le haut du pavé : la musique est moins chère à acheter, infiniment moins lourde à transporter en soirée et vous pouvez en stocker une quantité astronomique sur une clé USB. Les platines modernes et les controllers numériques offrent des aides technologiques qui rendent l’apprentissage du « beat matching » d’une simplicité extrême.
C’est pour cette raison que la plupart des DJ débutants se tournent vers ce format et que les platines numériques sont également les reines de la plupart des clubs.
Pour savoir si vous avez la fibre du mix, tester votre talent à enchainer vos morceaux sans trop dépenser, l’achat d’un controller ou de CDJ d’occasion peut être une solution adaptée. Si vous vous amusez avec ce premier matériel et que vous souhaitez persévérer, vous pourrez à la suite l’upgrader ou passer sur vinyle.
Faut-il faire une « école de DJ » ?
Depuis quelques années certains organismes proposent des formations complètes pour devenir DJ. Est-ce la garantie de devenir pro ? Malheureusement non.
Ces formations vont donneront les bases du mix et parfois des techniques de production en MAO en un temps record, de plus certaines bénéficient également de bons réseaux et la mise en relation est primordiales pour se procurer des opportunités.
Elles offrent ainsi de bons « package » avec des connaissances très intéressantes pour progresser et peut-être percer. Sachez néanmoins que presque toutes les techniques peuvent être apprises avec des tutoriels gratuits sur YouTube ET avec beaucoup de pratique.
Les solutions « clés en mains » des écoles sont pratiques et ont le mérite de regrouper dans un programme pédagogique différents aspects du métier : elles peuvent favoriser de par la suite pour travailler dans le son, en club ou en studio, mais ne peuvent garantir de faire de vous un DJ pro.
Vers la performance en public
La technique apprise, après quelques mois de pratique, vous êtes prêt à sauter le pas et à aller à la rencontre de votre public. Saisissez les opportunités qui se présentent de mixer dans un bar de votre quartier, dans la soirée de votre fac, à cette soirée d’anniversaires ou tous vos amis, ainsi que leurs amis, seront présents.
Cela vous permettra de tester vos compétences en live et de commencer à monter votre « fanbase ». C’est aussi souvent l’occasion de discuter avec des gens qui sont réceptifs à votre travail et qui pourront vous apporter d’autres opportunités.
Pour pratiquement tous les DJ le parcours est le même : à force de mixer de lieu en lieu, de soirée en soirée, petit à petit les opportunités en appellent d’autres, vous gagnez en « followers » réels et sur les réseaux sociaux et peu à peu vous pourrez commencer à trouver votre place sur des évènements plus grands.
Avant cela vous devrez bien souvent mixer dans de nombreux lieux plus ou moins fréquentés, avec plus ou moins de succès, c’est le lot de tous ceux qui ont fini par y arriver : il est important de poursuivre et de ne pas se décourager !
L’oreille du public avant la sienne
Tous les DJs qui réussissent ont généralement un point commun : ils adorent la musique qu’ils jouent et ont un besoin presque existentiel de la collectionner, de la manipuler, de s’en servir comme moyen d’expression.
Ils savent également une chose essentielle à ne jamais oublier : ils jouent pour le public, pour le faire danser et lui faire passer une bonne soirée et non uniquement pour le plaisir de passer leurs disques préférés.
Il faut en permanence être « branché » sur la salle et le public pour capter l’attention des gens, la garder et la transformer en énergie de danse. « Lire » un dancefloor est un exercice compliqué et seule la pratique pourra vous amener à comprendre la psychologie d’une foule qui fait la fête.
Pour apprendre de la bouche de certains des plus grands DJ français, vous voudrez consulter les très bons podcasts d’ARTE « Technopolis » qui apportent des témoignages réellement passionnants sur l’art du mix en public.
Développer ses réseaux
Le milieu de la nuit est un microcosme dans lequel il vous faudra peu à peu trouver votre chemin : plus vous connaitrez de monde, plus vous serez au courant d’opportunités et plus votre nom circulera auprès des organisateurs de soirées.
Afin de les impressionner, de leur montrer que vous « pesez » et qu’ils ont intérêt à vous booker, vous voudrez avoir des réseaux sociaux remplis de contenus originaux et créatifs « likés ».
Ce sera votre carte visite, déclinant à la fois votre identité artistique et votre niveau de popularité. Assurez-vous donc que vos réseaux sociaux présentent votre projet artistique et votre personnalité aux platines, qu’ils donnent envie de venir vous écouter ou de vous booker.
La tendance dans la musique électronique depuis quelques années est de monter un « collectif », l’union pouvant en effet faire la force même derrière les platines ! Le collectif permet souvent de rassembler plus de monde, de mettre en commun les « réseaux » et de monter ses soirées, c’est une option vraiment intéressante.
Si vous envisagez une carrière « solo », soyez cependant vigilants et gardez-vous un espace d’expression propre à construire votre image et votre public en tant qu’artiste détaché du collectif, au risque de ne pouvoir exister par la suite sans vos compères de soirées.
Mix + production de morceaux, le bon combo
Dans la musique électronique, beaucoup d’artistes qui sont bookés en tant que DJ sont producteurs de leurs propres morceaux. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de « Producteurs / DJ » que l’inverse actuellement.
Faire votre propre musique vous permet ainsi de toucher davantage de public, de vous démarquer, de développer votre fanbase par un moyen supplémentaire et différent du simple « DJ Set » et peut donc être un véritable plus pour celui ou celle qui rêve de vivre des platines.
Un morceau produit sur un label indépendant et qui fait quelques milliers de vues sur YouTube vous permettra de vous faire bien davantage remarquer par un club, ou un organisateur, qu’un énième DJ Set uploadé parmi d’autres sur Soundcloud ou Mixcloud.
DJ entrepreneur ou intermittent du spectacle ?
Lorsque vous commencerez à vous produire dans des lieux plus grands, contre rémunération, les organisateurs vous demanderont de leur fournir une facture pour payer votre prestation.
Le statut de micro-entrepreneur sera tout à fait adapté pour cette activité : créer sa « microentreprise » est rapide, pratiquement gratuit et d’une grande simplicité. Vous voudrez choisir le code APE 59.20Z « enregistrement sonore et édition », ou 9329Z « autres activités de loisir », les 2 peuvent fonctionner.
Une fois votre « micro » créée vous pourrez facturer vos clients et justifier des revenus tirés de votre travail en soirée, en tant qu’activité de « service » : 22% des revenus encaissés seront reversés à l’état. La « micro » est très pratique si vous débutez ou si vous exercez à temps partiel avec une autre activité.
Sachez néanmoins que le statut de micro-entrepreneur ne permet pas de cumuler les heures d’intermittence du spectacle : si c’est ce statut que vous visez, il vous faudra opter pour un régime ou pour un autre à un moment donné. Rendez-vous sur le site de pôle emploi spectacle pour le détail des démarches à effectuer afin de devenir « Intermittent ».
Persévérer pour percer
Voilà énoncées les principales étapes qui peuvent vous conduire vers le succès et avoir la carrière de DJ dont vous rêvez. S’établir en tant que DJ pro reste néanmoins un processus long et compliqué, dans lequel interviennent de très nombreux facteurs extérieurs et difficiles à quantifier, comme le timing et parfois simplement la chance d’une rencontre qui peut tout changer.
Votre capacité à continuer de travailler votre son, à ne pas abandonner et à vous créer des opportunités sera déterminante sur le long terme pour y arriver.





